Les deux penseurs se frayèrent, dans les ténèbres moyenâgeuses, un passage de lumière, éclairant ainsi la lanterne de la nation islamique.
Entre la Tunisie et le Pakistan des liens de fraternité et d’amitié, mais aussi de solides relations politiques et diplomatiques établies depuis de longue date. D’autant plus que d’énormes similitudes les distinguent à plus d’un titre et font partager les sublimes valeurs de l’islam, de l’histoire, de l’indépendance, puisant dans un esprit moderniste culturel et intellectuel. Dans un tel itinéraire de libération et de lumière propre à chacun d’eux, en Tunisie et au Pakistan, l’on doit, alors, beaucoup à nos deux figures illustres, Mohamed Fadhel Ben Achour et Mohamed Ikbal, deux ulémas d’exception et personnages aux multiples facettes.
Sur la même ligne réformatrice
D’ailleurs, leur esprit réformiste, sur fond d’une quête identitaire, a fait du Coran une source d’inspiration et de réconciliation religieuse universelle. Soit un mode de vie et une manière évoluée de penser et d’interpréter, dans la logique du commun et du différent. Ceci est un signe de richesse cognitive et de complémentarité et non pas un souci de division et de rivalité. « La réforme dans la pensée de Ikbal et Cheikh Fadhel Ben Achour : le commun et le différent », était l’intitulé d’une récente journée d’étude conjointement organisée par l’Institut supérieur de théologie-Université Ezzitouna et l’ambassade du Pakistan en Tunisie.
« Nos deux pays fêtent, cette année, leurs 65 ans de relations diplomatiques communes. Tous deux appartiennent à la même religion, cultivent les préceptes de la démocratie et de la dignité humaine, et partagent la même expérience pour la libération nationale du le joug de l’occupation », fait valoir S.E Tahar Andrabi, ambassadeur du Pakistan en Tunisie. Une chose est sûre : « Mohamed Ikbal et Cheikh Fadhel Ben Achour s’alignaient sur la même approche réformiste religieuse et libératrice de nos deux peuples, pendant l’ère coloniale », a-t-il souligné.
Sans doute, son allocution a dû mettre le sujet dans son cadre. Le débat invite à une lecture comparative des questions de renouveau de la pensée religieuse et de la modernisation des sociétés islamiques. Ikbal et Ben Achour en étaient, alors, deux leaders précurseurs.
Ils avaient présidé à l’instauration d’une autre vision du monde, à une meilleure perception d’un Islam modéré et ouvert sur son univers. En fait, Mohamed Fadhel Ben Achour fut reconnu comme étant un grand penseur doublé d’un homme d’action. Et il restera dans l’histoire comme l’un des rénovateurs de la pensée islamique au XXe siècle, ayant à son actif nombre d’écrits et d’ouvrages sur la question dont « Le mouvement littéraire et intellectuel en Tunisie ».
Premier mufti de la république, jusqu’à sa mort en 1970, ce théologien érudit était aussi syndicaliste cofondateur de l’Ugtt et un fin politicien que Bourguiba avait qualifié de « personnalité qui compte le plus dans le clan des religieux ». Il était une véritable tête pensante qui n’avait pas réduit le texte coranique à sa plus simple expression.
Un passage de lumière
Doyen de l’Université Zitouna, (1961-1970), Ben Achour lui avait tant donné pour qu’elle fût un haut lieu du savoir et de science islamique. Il fut contemporain de Mohamed Ikbal, islamologue et philosophe pakistanais de renom. Il faut dire que ces deux penseurs se frayèrent, dans les ténèbres moyenâgeuses, un passage de lumière, éclairant ainsi la lanterne de la nation islamique. Pour eux, l’Ijtihad et l’exégèse coranique furent, alors, la référence pour mieux comprendre le monde et s’adapter à toutes ses divergences. Illustre uléma venant de l’Orient, Ikbal était un fervent défenseur des causes de la Oumma. « L’avenir des Arabes est tributaire de l’Islam et, par conséquent, il faut resserrer les rangs pour unir tous les musulmans », avait, toujours, dit Mohamed Ikbal.
D’ailleurs, cette journée d’étude entre dans le cadre de la rencontre que l’Institut supérieur de théologie- Université Ezzitouna tient à organiser, chaque année, en guise d’hommage tunisien à sa mémoire. Idem, une salle de classe est de son nom. On le qualifiait d’homme exceptionnel qui épousa son temps et continue à inspirer les réformes d’aujourd’hui.
« Ses idées et ses pensées dépassent toutes les frontières, au-delà du temps et de l’espace, source de fi erté et d’inspiration pour cette actuelle génération et pour celles à venir », estime l’ambassadeur. Du reste, Ikbal et Ben Achour représentaient une étape phare dans l’histoire des deux pays.